Le télétravail “contraint” a mis en exergue certaines lacunes de management humain des PME. Il faut y voir deux sujets de débats : la vision des salariés et managers sur le télétravail, et la manière dont les dirigeant(e)s et managers traitent ce sujet. La mise en place obligatoire du télétravail a imposé aux dirigeants de mettre en place immédiatement des outils et aux collaborateurs de s’aménager un espace de travail à leur domicile. La question du management à distance ne s’est pas posée directement, alors qu’il en était le premier enjeu. Les dirigeants ne l’ont pas forcément compris et ils se sont parfois trouvés en difficulté.
Dans le vécu du télétravail, les dirigeant(e)s et collaborateurs ont souvent confondu les paramètres du télétravail contraint et ceux du télétravail choisi. Les collaborateurs ont identifié les avantages et bénéfices pour eux bien qu’ils ne souhaitaient pas un télétravail de cinq jours par semaine.
Lors du retour physique dans l’entreprise, ce sont fréquemment les salariés qui sont venus solliciter leurs managers ou dirigeants de PME sur un accord d’une à trois journées de télétravail par semaine. Les dirigeant(e)s ont dû apporter des réponses à la question du télétravail choisi qu’ils ne pensaient pas mettre en œuvre dans leur PME. En ce sens, la crise sanitaire a eu le mérite d’ouvrir les dirigeants à la mise en œuvre du télétravail dans leur entreprise.
Le télétravail choisi qui se négocie actuellement, ou a été négocié dans les PME, est le plus souvent d’une à trois journées par semaine. Certains collaborateurs ayant anticipé une poursuite longue du télétravail ont déménagé, se sont éloignés de leur entreprise et vivent aujourd’hui comme une contrainte le nombre trop faible de jours par semaine en télétravail. La réponse du dirigeant est souvent de deux jours maximum par semaine !
Cet intérêt croissant des collaborateurs et de certains dirigeants pour le télétravail est en réalité une accélération de l’évolution des pratiques de travail en entreprise. L’unité de lieu et de temps pour la présence physique des collaborateurs vole en éclats. Les dirigeants doivent désormais anticiper plusieurs évolutions :
- l’organisation RH de leur entreprise,
- la communication entre collaborateurs et managers,
- la pérennité des liens informels qui participent à l’esprit d’appartenance à l’entreprise,
- le travail en équipe par rapport au travail individuel,
- les postes et métiers « télétravaillables » ou non (exemple : les postes de production) et par conséquent, l’équité entre ceux pour qui la mise en œuvre est possible et les autres.
Les réponses techniques (VPN, serveurs, ordinateurs…) du télétravail ont été très vite résolues. Les bonnes réponses du management humain en PME sont encore en gestation ou en expérimentation.
En quoi le management à distance est-il difficile ?
Les dirigeants ont sous-estimé, pendant la période de télétravail contraint puis encore aujourd’hui en télétravail choisi, l’importance primordiale des compétences, du savoir-faire managérial (qu’il soit à distance, intermédiaire ou bien celui des dirigeants eux-mêmes), et des savoir-être requis. L’enjeu du télétravail est avant tout managérial et plus spécifiquement un enjeu de management à distance.
Les entreprises travaillant à l’international de longue date ou celles avec plusieurs sites et implantations, maîtrisent le management à distance. Toutes les autres entreprises auraient beaucoup à apprendre sur le sujet du management à distance. D’une part, la qualité et le savoir-faire managérial ne sont pas les points de force des PME ; et d’autre part, le management à distance a des spécificités non maîtrisées.
Pendant les premières vagues de la crise sanitaire, le réflexe immédiat des dirigeants était de poursuivre dans la continuité leur management habituel avec leurs collaborateurs alors que le télétravail exigeait de nouvelles formes d’accompagnement et de considération, de pratiques pour le travail à distance.
L’un des facteurs de réussite est le niveau d’engagement des collaborateurs dans leur entreprise. Lorsque le niveau d’engagement était bon, le télétravail a été perçu positivement.
Les points de vigilance du management « classique »
Pour un management à distance réussi, les premières clés sont similaires au management classique. A savoir :
- la considération et la reconnaissance auprès de ses salariés,
- un juste équilibre entre délégation et contrôle,
- des objectifs, un suivi puis une mesure des missions données,
- l’apport des bonnes ressources en compétences et en temps pour les missions à réaliser,
- l’encouragement et la reconnaissance des missions bien effectuées,
- la reconnaissance financière et non financière du travail bien fait,
- la validation des compétences du management intermédiaire à bien guider ses équipes : la délégation du dirigeant repose sur le savoir-faire du management intermédiaire,
- éviter le contournement du management intermédiaire par le dirigeant,
- trouver et initier des sources de responsabilisation, de motivation des collaborateurs,
- se préoccuper de la fidélisation des talents avant qu’ils ne veuillent partir.
Les collaborateurs n’ont pas quitté l’entreprise pendant la crise sanitaire. Cependant, il y a plus de chances qu’ils le fassent après. C’est pourquoi il est important de se préoccuper de leur fidélisation pendant la crise pour préparer l’année suivante. Cette pratique basique du management « classique » s’applique d’autant plus lorsque le travail à distance s’est imposé.
Les dirigeants et managers de PME ne maîtrisent pas toujours ces dimensions du management « classique » et il faut en plus appréhender les spécificités du management à distance.
Les sociétés qui travaillent à l’international ont dû réinventer leur capacité à commercialiser sans prendre l’avion. La réussite du management à distance est la réussite de l’entreprise. Quand on ne peut plus visiter des salons professionnels, il faut multiplier la qualité des contacts à distance pour faire du business. Par conséquent, c’est aussi assurer une continuité dans la qualité des relations professionnelles en interne et en externe. Les entreprises qui ont apporté une qualité supérieure dans leur communication à leurs interlocuteurs ont eu des performances commerciales supérieures à leurs concurrents.
Pour bien travailler à l’international, il n’est plus indispensable de voyager systématiquement. Mais il est indispensable de maîtriser le management à distance. C’est en fait un réel levier d’économie (moins de temps dans les transports) et d’efficacité des entreprises.
Les 4 piliers du management à distance
La qualité de la communication
Le management à distance est avant tout un enjeu de qualité exacerbée de communication entre les personnes. Cette qualité passe par les supports de communication : téléphone, mail, visio, organisation des réunions, présentiel. Combiner efficacement tous les modes de communication passe par leur équilibre synergique d’utilisation.
Habituellement, en présentiel, le mail est très usité pour communiquer d’un bureau voisin à l’autre, en cas de problème on se déplace. En distanciel, on ne pense pas à téléphoner alors que cela répond à 80 % des problèmes non résolus par le mail. La vigilance doit être soutenue sur les écrits envoyés qui sont souvent perçus comme plus abrupts et plus synthétiques qu’une communication verbale. Les messages et consignes peuvent être sujets à mauvaise interprétation et accentuer les craintes et angoisses des collaborateurs à distance.
Réassurance constante des collaborateurs
Parce que les managers et dirigeants ont une connaissance de chacun des collaborateurs, ils peuvent capitaliser sur leurs forces dans le management à distance. Leurs attentes durant la crise sanitaire et le télétravail contraint étaient d’abord une question de santé individuelle, puis la capacité de l’entreprise à surmonter la crise, le maintien total ou partiel de leur rémunération, et enfin les risques encourus pour l’avenir de leur poste en fonction de la santé de l’entreprise.
Quand le dirigeant ou les managers intermédiaires se contentent de donner des consignes, de suivre l’avancement des dossiers, ils ne répondent pas à ces attentes. La réassurance ne doit pas être ponctuelle, mais extrêmement régulière.
Sans la machine à café, les bruits de couloir sont encore plus anxiogènes… La réassurance des collaborateurs à distance est un enjeu majeur de bien-être au travail, d’engagement des salariés, et in fine de développement des entreprises.
La fluidité organisationnelle des réunions
Les réunions à distance ont plusieurs avantages : la ponctualité du début et de la fin de la réunion, une meilleure préparation de l’ordre du jour et des participants alors que c’était la faiblesse en présentiel dans de nombreuses PME. En revanche, la réunion à distance nécessite un niveau d’attention élevé, ce qui est particulièrement fatigant pour les animateurs et participants.
Des règles mal définies peuvent être préjudiciables : faut-il accepter de fermer la caméra quand l’intérêt d’une visio est d’être en relation visuelle avec les participants ? Il est essentiel d’être en visuel pour apporter ce que l’on n’a pas au téléphone. Si la qualité technique de la visio est mauvaise, la perte d’attention est garantie et la communication sera de mauvaise qualité. En définitive, il en résulte un mauvais management humain.
Il convient de prioriser les moyens techniques de la visio, où les interlocuteurs se voient comme s’ils étaient en présentiel. Sans la qualité technique, il y a une faiblesse managériale. Le management à distance doit recréer les conditions du management in situ.
La confiance
Entre dirigeants et salariés, entre managers et collaborateurs, plus la confiance mutuelle respectée sera forte et plus le management à distance sera efficace.
Les outils mis à disposition des collaborateurs permettent à chacun d’eux de choisir la répartition de ses heures de travail afin d’accroître sa performance. En réalité, par le choix personnel de ses temps de travail, le collaborateur apporte une productivité plus importante. La réussite du management à distance est de laisser les collaborateurs choisir leur temps et de leur faire confiance dans leur propre organisation de travail.
Le management traditionnel par le contrôle peut devenir un management à distance par l’hyper contrôle et ne fonctionne pas. Le management par le laxisme ou le manque de suivi devient aussi une source d’échec en management à distance. Les collaborateurs non suivis ou non accompagnés seront encore moins performants avec ce type de management.
En capitalisant sur l’humain, sur le management humain et pas seulement sur leur travail, une nouvelle relation dirigeant/salarié s’installe et contribue à un engagement plus fort des collaborateurs pour leur entreprise, même dans un contexte de télétravail.
L’organisation RH des PME, la communication interne ou le management des hommes sont autant de points à remettre à plat dans toutes leurs dimensions. Les entreprises qui gagneront demain sont celles qui travaillent sur les solutions managériales les plus adaptées à leurs spécificités, en présentiel ou à distance.
Le management à distance ne concerne pas seulement celui des collaborateurs et clients, mais également les relations avec tous les prestataires extérieurs. De plus en plus de services et compétences sont externalisés. Leur efficience est liée à la même maîtrise du management à distance par le dirigeant et les collaborateurs de l’entreprise.
La qualité de la délégation du dirigeant, sa confiance dans ses collaborateurs et la fluidité de sa communication interne sont des atouts importants en management « classique ». Ils deviennent d’extraordinaires leviers de performance pour le management à distance.