Toutes ces années, chez EGNOKA STRATÉGIE, nous avons accompagné de nombreux dirigeants dans le développement de leur PME. Si chaque stratégie est unique et sur-mesure, toutes ont un point commun : la prise en compte des finalités personnelles du dirigeant, sans lesquelles le succès est compromis.
Comme nous l’avons abordé lors d’un précédent article, la stratégie d’une PME doit correspondre aux finalités personnelles de son dirigeant. Dans une PME, pour qu’une stratégie “ressemble” à son dirigeant, elle doit être alignée avec ce qui l’anime personnellement.
Or, un constat s’impose à chaque nouvelle mission : la capacité des dirigeants à se laisser submerger par le quotidien… Ils ne sont alors plus en mesure d’anticiper ou poser les bases d’une réflexion stratégique au service du développement de l’entreprise.
Pour un dirigeant, la meilleure stratégie de développement de sa PME est celle qui lui ressemble. Une entreprise s’inspire de vos valeurs, de votre management humain, de votre ambition de croissance et également de vos finalités personnelles de Dirigeant ou Dirigeantes de PME.
Pour bien comprendre notre conviction que le (la) dirigeant(e) d’une PME doit avant tout retrouver le plaisir à ce qu’il ou elle fait, nous avons donné la parole à Eric Carpentier. Eric a rejoint le cercle des partenaires experts chez EGNOKA STRATÉGIE. Depuis bientôt 10 ans, il accompagne les dirigeants et leurs équipes dans le but de développer avec eux leur stratégie de leadership et de performance.
Une interview enrichissante pour comprendre dans quelle mesure “plaisir au travail” est étroitement lié à la performance de l’entreprise.
Le plaisir au travail, c’est quoi ?
Eric Carpentier – Vaste sujet et tellement d’actualité compte tenu du contexte des derniers mois… Je dirais que le plaisir au travail est en premier lieu un sujet individuel propre à chacun mais avec un point commun : garder le caractère ludique de ce que l’on fait. L’idée a été ancrée culturellement qu’il faut “souffrir” en travaillant. On ne travaille pas pour le plaisir, on travaille pour générer un revenu. On stresse au travail pour démontrer une certaine performance. L’épanouissement est décorrélé des objectifs professionnels car cela nuirait à la productivité ou l’efficacité.
Or, c’est bien l’aspiration au bien-être qui anime les personnes, leur donne un élan et une dynamique positive. Les neurosciences l’ont démontré : l’élan maintient le renouveau et le plaisir au travail.
Le plaisir au travail est-il lié à la performance en entreprise ?
EC – Totalement ! Je dirais même que l’un va difficilement sans l’autre. Bien sûr, vous trouverez toujours des contre exemples mais cela est encore plus vrai pour la génération montante qui revendique d’avoir du sens au travail. Dans le monde de l’entreprise, on parle beaucoup de “motivation”. Mais la motivation est une valeur intrinsèque, on ne motive pas une personne, on lui donne envie d’aller plus loin. Dès lors, on comprend que l’intelligence émotionnelle ait la côte en ce moment ! Pour remédier au mal être au travail, le management cherche maintenant des leviers de motivation qui seront propres à chaque personne pour aider à sortir de la routine et (re)trouver l’envie d’explorer. C’est un fait, un salarié qui évolue depuis 15 années dans la même entreprise, a généralement fait le tour de ce qui l’intéresse. Il s’agit alors de mettre en place de nouvelles pratiques managériales pour influencer positivement le comportement et maintenir la performance.
Est-ce de la responsabilité du dirigeant que ses salariés soient heureux et prennent plaisir au travail ?
EC – Oui et non… Un dirigeant ne peut être responsable des choix des individus, cela leur appartient mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas les influencer. À mes débuts en tant que conférencier, je pensais que le simple fait de soumettre une idée intelligente à une personne suffirait pour qu’elle se prenne en main et s’approprie le sujet. Mais sans invitation à l’action, toute personne submergée par son quotidien n’explore pas plus loin. Prendre plaisir au travail, c’est trouver une dynamique personnelle qui n’est pas dans le pouvoir du dirigeant. Le dirigeant peut proposer mais cela reste la capacité individuelle des salariés de satisfaire leur plaisir au travail.
Que dire des CHO (Chief Happiness Officer) ?
EC – Je suis très partagé sur cette fonction CHO… J’aurais du mal à vous répondre car je n’en ai pas suffisamment croisé pour me faire une idée. Je pense que c’est une fonction pertinente mais son apport dépend de la façon dont elle est présentée en interne. Si la volonté est de recruter un CHO pour se débarrasser du “problème” ou de la gestion du bien être au sein de l’entreprise, cela n’invitera pas plus l’équipe à réfléchir sur la vie de l’entreprise ou son caractère sociétal. Cette initiative découle parfois d’une volonté d’adapter son management aux diverses générations qui évoluent dans l’entreprise. Un dirigeant peut chercher des solutions pour pallier son manque de moyens face à la complexité des nouveaux modes de travail.
En quoi est-ce important pour un dirigeant de prendre du plaisir ?
EC – À mes yeux, c’est fondamental pour un dirigeant de prendre plaisir à ce qu’il fait pour pouvoir durer physiquement ou intellectuellement. Dans le monde de l’entreprise, il y a deux types de boîtes : les familiales et les autres. Les entreprises familiales vivent une pression émotionnelle qui est rarement présente dans les autres entreprises. De même, dans une cellule familiale, il est plus difficile de se souvenir qu’on est là pour se développer SOI en même temps que l’entreprise… Et surtout, comment entraîner les autres dans votre entreprise si vous-même vous ennuyez ? Dès lors, vous avez une forte corrélation entre plaisir et leadership. Si vous n’avez pas l’énergie de diriger, pourquoi votre équipe en aurait-elle ? C’est tout le paradoxe du format du leadership actuellement proposé. Celui-ci devrait être parfait pour un dirigeant mais le leadership se nourrit d’objectifs personnels. Comme EGNOKA STRATÉGIE l’évoque, la majorité des dirigeants sont submergés par le quotidien qui les empêche de prendre du recul et leur fait perdre la notion de plaisir. Pourtant, la plupart des dirigeants ont créé leur entreprise dans une volonté de liberté, ils ont pris des risques et souhaitent en être récompensés.
Y a-t-il des solutions concrètes pour identifier la notion de plaisir ?
EC – Pour un(e) dirigeant(e), la prise de conscience se fait lorsqu’il rencontre les limites de son fonctionnement. Mais la réflexion ne porte pas là où se situe véritablement le problème. Souvent autodidacte, il a la capacité à percevoir ce qui est faisable individuellement mais sa perception est biaisée par son expérience personnelle. Une solution concrète serait d’avoir quelqu’un qui le sollicite avec un questionnement et une perspective extérieure. C’est là tout le paradoxe du dirigeant : il a une forte personnalité, sait intuitivement ce qui doit être fait, mais comme un sportif de haut niveau, il sait aussi qu’un apport extérieur permet d’avancer en explorant d’autres façons de faire.
Quels conseils donneriez-vous aux dirigeants de PME pour retrouver le plaisir au travail ?
EC – Qu’ils se rappellent pourquoi ils ont démarré leur boîte ! Qu’est-ce qui est important pour eux avant de penser aux autres. J’invite souvent les dirigeants à être égoïstes car ils finissent par s’oublier. Le dirigeant est le premier manager de son entreprise et de son équipe. Souvenez-vous qu’on ne quitte pas une entreprise, on quitte un management.
En conclusion, j’aimerais apporter un complément important : il faut bien distinguer plaisir et satisfaction. Le piège est de vouloir associer ces deux notions. Or, plaisir et satisfaction amènent à des choix personnels très différents au sein d’une entreprise. Le plaisir apporte une gratification immédiate quand la satisfaction oriente l’effort personnel sur le long terme. Depuis des années, les chefs d’entreprise tentent d’améliorer le quotidien de leurs employés mais la convivialité en entreprise ne fait pas d’eux des employés heureux pour autant. La convivialité peut être une source de satisfaction mais il ne faut pas perdre de vue ce pour quoi on cherche à améliorer les conditions de travail.